Que vous soyez allongé sur la table de votre ostéopathe ou en train d’écarteler vos doigts, une question peut souvent revenir à l’esprit : « Mais quel est donc ce « crack » que j’entends dans mon articulation? ».
Pas de panique, pas de démembrement à l’horizon !
QU'EST-CE QUE LE BRUIT ARTICULAIRE?
Pendant près d’un demi-siècle ce « crack/click /pop » très caractéristique est resté énigmatique, reposant en majorité sur la théorie de l’explosion d’une bulle de gaz.
Cependant une étude utilisant l’IRM pour visualiser le « crack » en temps réel a permis de démontrer que ce phénomène physiologique, obtenu par écartement de deux surfaces articulaires proches et opposées, est régit par les lois de la tribonucléation.
Le nom barbare de tribonucléation correspond à un procédé qui explique que deux surfaces opposées résistent jusqu’à un certain point critique où elles se séparent rapidement. Cette séparation provoque la création de cavités remplies de gaz, qui ne disparaissent pas instantanément.
Ce processus peut être obtenu au niveau des articulations synoviales.
Notre corps possède différents types d’articulations (fibreuse, cartilagineuse et synoviale). L’articulation synoviale est la plus mobile de toutes et caractérisée par la présence d’une capsule formant une cavité remplie d’un liquide appelé liquide synovial.
Le liquide synovial est composé à 15% de gaz (dont 80% de dioxyde de carbone) et le reste de liquide (eau, sels minéraux, petites molécules, protéine… ).
En effet que vous craquiez vos doigts ou lors d’une manipulation ostéopathique, une force de traction est exercée sur l’articulation. Or la séparation de deux surfaces articulaires proches et opposées entraine une force d’adhésion qui s’oppose à l’écartement.
Cela crée une pression négative au sein de l’articulation qui, couplée à la vitesse, pousse les gaz à sortir du liquide de l’articulation formant ainsi une cavité.
En résumé la séparation rapide des surfaces articulaires entraine la formation d’une cavité dans l’articulation qui provoque le « crack ».
Cette cavité subsiste après le « crack » et ne disparaît qu’une fois la traction sur les surfaces articulaires terminée.
Cependant, un nouveau bruit articulaire ne pourra être obtenu qu’une vingtaine de minutes après la première manipulation.
De plus, le bruit articulaire dépend de la taille de l’articulation (plus elle est petite, plus le bruit est important) ; de la partie du corps manipulée ; et de l’activité précédent la manipulation.
LE "CRACK" EN OSTÉOPATHIE:
Appliquées dans le domaine ostéopathique, ces manipulations articulaires sont dénommées techniques à haute vélocité (en rapport à la vitesse utilisée pour obtenir le « crack »).
Elles ont différents effets tels qu’un soulagement immédiat et une restauration temporaire de la mobilité articulaire. Cependant il semblerait que la manipulation articulaire ne modifie pas de façon significative l’espace entre les surfaces articulaires.
Pourquoi arrive-t’il que mon ostéopathe n’arrive pas à « me faire craquer » ?
Il existe différentes raisons pour lesquelles votre ostéopathe n’arrive pas à vous faire craquer :
Les muscles ne sont pas assez relâchés
Cette situation est très fréquente, notamment si vous consultez votre ostéopathe pour la première fois.
L’appréhension des techniques, le stress, une mauvaise hydratation, l’incapacité de se détendre sont autant de raisons qui poussent à la contraction du système musculaire.
Celle-ci entraine une tension au niveau de l’articulation qui va empêcher l’écartement des surfaces.
Les ligaments collatéraux sont trop courts Ceci se traduit par une incapacité à écarter suffisamment les surfaces articulaires
Une hyperlaxité : Ceci touche 4 à 13% de la population ; les patients présentent une souplesse aphysiologique
La mobilisation de l’articulation donne l’impression qu’elle a déjà été manipulée
Toutefois si aucun de ces derniers facteurs n’est présent, ce n’est pas parce qu’il n’y a pas de « crack » que la technique n’est pas efficace.
En effet si le bruit est signe d’un changement physiologique au sein de l’articulation, il n’est pas pour autant prouvé qu’il ait une réelle valeur thérapeutique.
Cependant la réalisation d’un bruit lors de la manipulation représente un élément très important pour le patient puisqu’il va lui permettre de supposer que la manipulation a fonctionné et que l’articulation a retrouvé sa mobilité.
Pour ceux qui ont horreur du « crack » pas de panique ! Votre ostéopathe peut utiliser d’autres techniques qui permettront de vous soulager et de restaurer la mobilité de votre articulation.
J’entends un bruit répétitif quand je bouge ma cheville/hanche/épaule : qu’est-ce que c’est ?
Le « crack » intra-articulaire est à différencier du bruit ligamentaire ou tendineux lié à une structure tendue qui roule sur une surface osseuse.
Un tendon permet de relier un muscle à un os ; quant à lui le ligament permet de relier deux surfaces osseuses entre-elles.
Lorsque l’on bouge une articulation, il y a :
un changement de position du tendon par rapport à l’articulation
une tension dans le ligament afin de maintenir l’articulation
Ceci peut se traduire par un bruit que l’on retrouve à la montée descente des escaliers, levée du bras …
Est-ce mauvais de trop se faire craquer ?
Il existe un mythe selon lequel le fait de trop craquer ses articulations (en particulier les doigts) entrainerait de l’arthrose prématurée.
Pour mettre fin à ce mythe, Donald Unger a mené une étude et s’est fait craquer uniquement les doigts de sa main gauche de façon quotidienne pendant plus de 50 ans ! Il a rendu public son étude en 1998 et les résultats ont démontrés qu’il n’y avait aucune altération des articulations de sa main gauche en comparaison à la main droite.
Ses 36 500 « cracks » lui ont également valu de recevoir le prix Nobel de médecine en 2009.
D’autres études ont permis de mettre en évidence l’absence de corrélation entre le « crack » et l’apparition d’arthrose dans les mains.
Cependant, les recherches actuelles ne permettent pas de conclure véritablement.
Selon DiGiovanna E. L. ., les recommandations sont donc de ne pas excéder 3 visites par semaine pour des manipulations à haute vélocité.
So let’s crack, clunk, pop !
Charlotte Mernier,
Ostéopathe Française Londres
References :
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Protopapas, M.G., Cymet, T.C. ( 2002) Joint crackind and popping : understanding noises that accompany articular release. The Journal of the American Osteopathic Association, 102(5), 283-287.
Unger, D.L. (1998) Does knuckles cracking lead to arthritis of the fingers ? Arthritis and Rheumatism, 41(5), 949-950.
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